Cet article a pour objectif de tracer les grandes lignes de ce qui motive un travail d’accompagnement professionnel des conjoints expatriés non-salariés.
J'ai choisi de préciser mon travail auprès des conjoints expatriés non-salariés, plutôt que des problèmatiques de l'expatrié qui travaille, ou de celle de ses enfants, qui sont des problèmatiques interdépendantes au sein de la famille.
La population des conjoints expatriés non-salariés est en très grande majorité féminine. En moyenne, ces femmes ont avant de se lancer dans l’aventure de l’expatriation, une qualification professionnelle égale ou supérieure à quatre années d’études post-bac et un acquis de quelques années d’activité professionnelle. C’est une population en mutation qui suit, avec retard, l’évolution de la société du pays d’origine.
Pour la France, nous voyons augmenter le nombre des hommes qui suivent leur femme expatriée par leur travail, des familles monoparentales, des couples homosexuels. Nous sommes à un tournant sociétal, et les entreprises qui expatrient leurs salariés gagneraient à prendre en compte différemment ces populations.
Ma première approche de ces femmes expatriées s’est faite il y a une quinzaine d’années, étonnée par leur agressivité, et leur attitude de critique systématique de la société d’accueil. Des femmes qui semblaient avoir dans leur vie bien plus que ce que d’autres pourraient rêver : une famille, la santé, un travail, une protection sociale, une aisance financière, des voyages de par le monde.
Mais d’où venait donc cette insatisfaction chronique ?
De l’expatriation découlent plusieurs aspects, qui se développent selon l’histoire de vie de chacun. L’expatriation ne crée rien, mais fait émerger ce qui psychologiquement est prêt de l’être. Il y a l’excitation de la découverte, la nouveauté, les challenges surmontés qui font partie de la nourriture positive dont toute vie a besoin.
Et la face cachée : la perte de repères et la perte de sens, l’écroulement du MOI bien vite remplacé par le masque social la PERSONA*. Les façades offertes tant à soi-même qu’aux autres peuvent varier : hyperactivité sociale ou encore isolement social. Les conséquences sont aussi multiples que ce que l’humain peut créer : la dépression, l’alcool, l’agressivité, la mélancolie … avec impacts sur la personne, sur le conjoint et sur les enfants quand il y en a.
Mon postulat est que l’origine de ce malaise se développe en lien avec deux réalités ancrées dans toute histoire de migration, et implique donc aussi le conjoint expatrié non salarié : le déni de la place sociale de l’individu, mais aussi de ce qui l’affecte: sans cette reconnaissance, comment transformer notre vécu en un état porteur et constructif ? Cela me parait impossible.
Ce déni est bien ancré et se retrouve dans tous les cercles qui définissent la personne : elle-même, son couple, sa famille nucléaire et élargie, l’employeur et la société. D’où la difficulté à atteindre cette population et à initier avec elle un travail de restauration.
Chacun doit assumer seul:
- le différentiel qui résulte de la confrontation entre attentes et réalité. Et pour comprendre les difficultés d’une personne, on doit considérer tant les paramètres individuels familiaux et culturels de la société d’origine que ceux de la société d’accueil ainsi que les attentes respectives de tous ces rôles. Chaque individu peut avoir une réactivité différente quand il est confronté à la société du pays d’accueil.
- le différentiel qui résulte de la confrontation entre attentes et réalité. Et pour comprendre les difficultés d’une personne, on doit considérer tant les paramètres individuels familiaux et culturels de la société d’origine que ceux de la société d’accueil ainsi que les attentes respectives de tous ces rôles. Chaque individu peut avoir une réactivité différente quand il est confronté à la société du pays d’accueil.
Il y a chez la femme française un hiatus entre la réalité sociale qu’elle vit en expatriation, et les représentations de son rôle : elle travaille et élève ses enfants au même titre que son conjoint. Les femmes Françaises conçoivent difficilement une vie sans tenir les rênes d’une responsabilité professionnelle ; c’est de l’ordre de l’acquis.
Comment s’autoriser à exprimer son malaise quand on est sensé vivre une vie privilégiée ? Un travail en ces temps de crise économique, un statut administratif dont découlent des avantages sociaux, le bénéfice d’un salaire boosté de primes, des destinations lointaines qui prêtent aux rêves…
Comment percevoir ce malaise ? Par des échanges privés, l’écoute, le comportement de la personne, de son conjoint ou des enfants. Car à la fois chacun et la cellule familiale sont touchés.
Quel est le malaise ? Quel est le besoin associé ? Le pendant du déni ambiant: la reconnaissance.
Il ne s’exprime quasiment jamais par le verbe, ou bien sous le sceau de la confidence autorisée par la prise en charge professionnelle. La parole doit être
protégée, la population ressemble à celle d’un petit village au sein duquel
beaucoup se sait.
Alors le cœur se dénoue et les sentiments s’expriment enfin.
Qu’est-ce que je construis pour moi-même ? Comment puis-je développer et maintenir une activité reconnue qui soit uniquement mienne ?
La phase initiale du travail est de retrouver une confiance en soi perdue, liée au déni de la place sociale .Comment travailler cet aspect majeur en termes d’accompagnement professionnel ?
- Un travail sur les valeurs individuelles : qu’est ce qui me fait me tenir debout ? Qu’est-ce qui fait que ma vie prend un sens pour moi, et non uniquement à travers mon conjoint, mes parents, mes amis, mes enfants…
- Par une mise en parallèle de ce j'ai fait de ma vie avec ce dont j’ai rêvé en terme de vie idéale.
- Un travail d'élaboration pour faire émerger les éléments de la personnalité vécus comme étant porteurs (je suis fière de..) et ceux vécus comme étant handicapants (je suis mauvaise en …) Comment se les réapproprier, en être fière et les utiliser de façon volontaire et constructive? C’est le prémisse au retour à un état d’amour de soi qui entraîne petit à petit l’expression et donc le travail sur certaines difficultés récurrentes.
Lorsque la phase de reconnaissance de soi-même est enclenchée, l’agressivité envers soi ou envers autrui, en général le conjoint,diminue, et un travail peut s’élaborer non pas « contre » mais « avec » soi-même et avec l’autre.
Je travaille systématiquement avec mes clients ces trois points que je considère majeurs, en groupe ou individuellement.
Une des particularités de Rio est justement cette notion de différentiel entre les attentes et la réalité. Rio s’affiche comme une ville paradisiaque avec son lot de représentations : le climat, la samba, le carnaval, les plages, les corps superbes … comment se permettre de se plaindre aux siens, qu’ils soient proches ou éloignés?
Le travail d’accompagnement est là pour permettre à la personne de renouer avec elle-même et ses vraies émotions, se confronter aux phases de deuil inévitables et parvenir à poser des choix. En un mot, retrouver sa liberté !
Ce travail n’implique pas nécessairement un accompagnement lourd ni long pour conduire à une ré-appropriation d’un projet de vie personnel et cohérent.
*Personne en tant qu’acteur de sa propre vie, jouant un rôle social et toujours, peu ou prou, en représentation.
Pia Granjon Lecerf travaille à partir de ses qualifications professionnelles: formation d’assistant de service social (IFSY) ; maîtrise d’Anthropologie sociale (Sorbonne), Coach de vie (Newcastle), PNL, Reiki, EFT ; et aussi son parcours personnel : enfant de parents expatriés , devenue conjointe et parent expatrié de trois enfants.
www.piacoach.com
www.piacoach.com
Propos recueillis au Brésil par RECURSIMO Consultoria- Spécialiste de l’Interculturel
www.recursimo.com
www.recursimo.com